Etat des lieux de la résidence alternée en France

Temps de lecture : 9 min

La loi relative à la résidence alternée (RA) – couramment appelée garde alternée – est récente en France.

Elle est entrée dans le code civil en 2002. Depuis, elle continue d’évoluer et soulève toujours de nombreuses interrogations.

Comment les juges apprécient-ils l’intérêt de l’enfant ? L’âge est-il déterminant ? Quelles sont les conditions d’application ? Où en est-on en France ?

Résidence alternée ou habituelle, quelles différences ?

Résidence habituelle, résidence alternée, droit de visite et d’hébergement, autorité parentale, que définissent ces termes ?  

Même si les parents ne vivent plus ensemble, les parents conservent l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Il s’agit d’un ensemble d’obligations, de droits et de devoirs, qu’ont les parents à l’égard de leur(s) enfant(s). Ils doivent maintenir des relations avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. L’exercice de l’autorité parentale peut cependant être confié à un seul parent si l’intérêt de l’enfant le commande. 

A l’inverse, l’organisation de la résidence de l’enfant, ainsi que les droits de visite des parents sont variables après la séparation des parents. Ils dépendent alors des accords fixés entre parents et/ou des mesures fixées par un juge aux affaires familiales. L’article 373-2-9 du Code civil explique : « la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ». 

La résidence habituelle (ou principale) concerne les enfants habitant principalement chez l’un des parents. L’autre parent se voit attribuer un droit de visite et d’hébergement (DVH), le plus souvent dit « classique » (57 % des cas), avec un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Ce droit peut aussi être « élargi » ou plus restrictif, selon les situations.

La résidence alternée permet aux enfants d’habiter en alternance – en général une semaine sur deux – chez les deux parents, à temps égal. 

L’attribution de la résidence de l’enfant dépend de nombreux facteurs, telles que la disponibilité parentale, la situation familiale, personnelle, géographique, etc. Si les parents ne parviennent pas à s’entendre, la décision revient au juge aux affaires familiales. Ce dernier décide des mesures à fixer dans l’intérêt de l’enfant. 

Evolution de la résidence alternée en France

La résidence alternée est entrée dans le code civil français depuis la loi du 4 mars 2002. Auparavant, en cas de séparation, le juge était tenu d’indiquer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un de ses parents. Ce qui rendait la résidence alternée dérogatoire au principe légal. La loi de 2002 donne une légitimité à la résidence alternée et installe également le principe de coparentalité. Considérée par certains comme le mode de résidence le plus égalitaire, elle fait régulièrement l’objet de mesures incitatrices, notamment financières, comme le partage des allocations familiales ou des APL. 

La part des enfants vivant en résidence alternée chez leurs parents progresse tous les ans. Mais ce mode de garde reste minoritaire[1] : 12 % des enfants dont les parents sont séparés vivent en résidence alternée (contre 10,6 % en 2018), soit environ 480 000 enfants mineurs sur les 4 millions d’enfants ayant des parents divorcés ou séparés. Ce chiffre passe à 15,2 % chez les enfants de 10 ans. En revanche, la résidence alternée est plus rare chez les plus jeunes, seulement 4,2 % des enfants de moins de 4 ans. C’est entre 6 est 14 ans que la résidence alternée est la plus répandue, tout en restant très minoritaire.  Elle est plus rare pour les adolescents. L’INSEE attribue cette rareté au fait que les enfants les plus âgés sont issus de parents plus âgés, chez lesquels la résidence alternée est moins naturelle. De plus, certains adolescents, parfois en rupture avec l’un des parents, souhaitent abandonner l’alternance mise en place durant leur enfance.

Une semaine chez l’un, puis une semaine chez l’autre – pour 80 % des enfants alternants – d’autres découpages se développent, comme le « 2-2 // 5-5 » qui présente certains avantages (séparations moins longues, plus de régularité dans les activités, etc.).

La moitié des familles avec des enfants alternants n’ont qu’un seul enfant. Leurs parents sont davantage diplômés et plus souvent en emploi, notamment les mères dont le taux d’emploi est bien supérieur (89%) à celui des mères issues des familles « traditionnelles » (77 %) et monoparentale ou recomposée (67%). Ces parents sont plus fréquemment propriétaires de leur logement (53 %). En général, la résidence alternée est plus répandue dans les zones périurbaines, là où les niveaux de vie médians sont les plus élevés.

Ce mode de résidence implique des contraintes pratiques importantes pour les parents et une collaboration constante. Ce n’est pas un droit des parents à un « partage égalitaire » de l’enfant. La résidence alternée, qu’elle soit décidée mutuellement par les parents ou ordonnée par un juge, est recherchée dans l’unique intérêt de l’enfant, et adaptée pour chaque cas.

Mises en place et conditions de réussite de la résidence alternée

Quand la loi a fait entrer la résidence alternée dans le code civil, l’objectif était double : permettre aux enfants d’entretenir des relations suivies avec leurs deux parents et consacrer la parité de la femme et de l’homme dans l’exercice de l’autorité parentale. Mais ce mode d’organisation est complexe. Il demande aux parents une réelle volonté d’implication et de collaboration. Les spécialistes de l’enfance, souvent consultés à l’occasion de nouvelles propositions de loi sur le sujet, restent partagés. C’est pourquoi, la loi prévoit un large pouvoir d’appréciation au juge aux affaires familiales. 

En raison des conditions matérielles et psychologiques nécessaires aux parents et surtout à l’enfant, certains facteurs sont essentiels à la réussite de la résidence alternée :

  • La coparentalité : Gérer une résidence alternée demande une bonne organisation et un certain niveau de communication. Les parents doivent s’entendre un minimum et respecter les droits de l’autre. Cependant, la mésentente entre les parents n’est pas un obstacle pour les juges si les conditions d’accueil matérielles aux domiciles des deux parents sont favorables et que les moyens de communication se maintiennent (respect du planning de garde, disponibilité des parents, etc.). De manière générale, mettre en place le meilleur des plannings est l’étape importante d’une coparentalité sereine.
  • La proximité des domiciles, la facilité des trajets maison-école : Le droit français tend à privilégier le statu quo, pour les habitudes de la famille. Tout changement à l’équilibre de vie de l’enfant doit être justifié dans son intérêt. Ainsi la proximité des domiciles des deux parents permet à l’enfant de bénéficier d’une certaine stabilité dans sa scolarité et dans sa vie sociale. Selon l’Insee, 37 % des enfants alternants ont leurs deux parents qui résident dans la même commune. 
  • La parole, le bien-être et l’âge de l’enfant : Puisqu’il s’agit de sa vie quotidienne, son avis compte. Si son âge le permet, « les sentiments exprimés par l’enfant mineur sont entendus dans les conditions prévues à l’article 388-1 ». Par ailleurs, les spécialistes de la petite enfance considèrent que les enfants en bas âge peuvent être perturbés par des changements fréquents de domicile (sentiment d’instabilité, absence de sécurité). Mais en l’absence de consensus scientifique sur les effets de la résidence alternée, les juges apprécient au cas par cas chaque situation. Dans la pratique, la résidence habituelle chez l’un des parents est souvent favorisée pour les enfants de moins de 6 ans. La loi prévoit également l’unité de la fratrie, sauf motif impérieux (risque physique ou psychologique, impossibilité géographique, etc.). 

Pour aider les magistrats et les parents dans leur décision, il est possible de faire appel à la médiation par exemple ou à d’autres intervenants (avocats, psychologues, etc.) qui aident à la mise en place des bonnes pratiques, à établir un calendrier ou une charte de coparentalité, etc.

Débat de couple et de société

Quelle que soit la situation, la résidence de l’enfant reste souvent un sujet controversé et passionné. Pas seulement dans un couple qui divorce. Les mentalités évoluent, la société aussi. Pour certains, la résidence alternée peut-être un vecteur de la progression de l’égalité femmes-hommes et devrait être prononcée « par défaut ». D’autres s’opposent à cette application automatique qui pourrait nuire à l’intérêt supérieur de l’enfant. 

Régulièrement, l’Assemblée nationale examine de nouvelles propositions de loi sur le sujet. La France, comme beaucoup d’autres pays, a peu de recul et un nombre insuffisant de couples dans ce cas-là, pour mener des enquêtes scientifiques et analyser les conséquences sur les enfants.

Dans les pays nordiques en revanche, souvent en avance sur les questions de l’égalité et d’éducation, la résidence alternée est assez courante. En Suède par exemple, elle figure dans la loi depuis 1983. Plus de la moitié des enfants de parents séparés ou divorcés vivent en résidence alternée aujourd’hui.

En Espagne[2], si le code civil espagnol ne favorise aucun mode de résidence, le juge privilégie la résidence alternée (impliquant la résidence partagée égalitaire ou non). La part d’enfants en résidence alternée est passé de 24 % en 2015 à 37 % en 2019. Chez nos voisins belges, où la loi donne la priorité à la résidence alternée depuis 2006, le juge conserve une marge d’appréciation importante. Dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, 3 enfants sur 10, dont les parents sont séparés, vivent en résidence alternée égalitaire (étude 2019 Université Catholique de Louvain).

Les études suédoises menées ces dernières années ont tendance à soutenir ce mode de résidence, qui favoriserait la stabilité émotionnelle des enfants, mais aussi celles des parents. Si les avantages et les inconvénients restent discutables, il est primordial d’adapter le mode de résidence des enfants à chaque situation familiale… qui, comme la loi, peut toujours évoluer.


[1] Enquête INSEE mars 2020 https://www.insee.fr/fr/statistiques/5227614

[2] Sénat, octobre 2021, étude de législation comparée

Publié par L’équipe Share(d)

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