Un divorce ou une séparation, c’est stressant, voire épuisant. Même si la relation entre les ex-partenaires se veut apaisée (dans le meilleur des mondes !), les changements engendrent beaucoup de stress pour tous, parents et enfants.
Mais même au-delà de la séparation, les conflits parentaux incessants impactent encore plus les enfants. Leur comportement et leur développement émotionnel se trouvent vite perturbés par des parents qui ne savent plus comment gérer leurs émotions personnelles.
Or, sauf cas particuliers (relation toxique ou nuisible), les enfants ont besoin de leurs deux parents pour mieux vivre ces changements et continuer à grandir en toute confiance.
Alors, même si c’est souvent difficile, un minimum de communication est essentiel. Et lorsqu’on parle de son ex aux enfants, là-aussi, les mots ont leur importance. Ni ami, ni ennemi, comment parler de l’autre parent aux enfants tout en gérant sereinement nos propres sentiments ?
Des différences inévitables
Une séparation au sein d’un couple amène à se séparer aussi de ses enfants, même si c’est temporaire, ou selon une organisation alternante.
Peu importe le mode de résidence (alternée ou habituelle), les enfants qui passent du temps chez l’autre parent vivent au rythme de ce dernier, avec ses règles et ses activités. Les principes éducatifs qui, très souvent, sont déjà un motif de discorde au sein des couples, risquent d’être encore plus au cœur du conflit des ex-partenaires.
Pourtant, malgré les divergences de valeurs, le lien parental doit être préservé. Mieux vaut donc éviter de passer en mode « interrogatoire » auprès des enfants à la suite de leur visite chez l’autre parent. Les différences sont inévitables, alors, bien sûr, l’idéal reste que les parents séparés parviennent à assurer une certaine cohérence éducative. Plus facile à dire qu’à faire ? Lorsque c’est trop difficile, il est possible de faire appel à l’aide de médiateurs ou de thérapeutes familiaux : grâce à eux les parents peuvent ensemble définir les points sur lesquels ils vont tous les deux garder le cap, comme la gestion du temps (jeux, travail) ou des loisirs (sorties, activités, téléphone portable, etc.), pour ainsi, en discuter plus sereinement avec leurs enfants.
Le conflit de loyauté
Parfois la communication entre parents séparés est carrément difficile ou rompue.
Les parents peuvent avoir tendance à utiliser les enfants pour faire passer des messages à l’autre, ou cherchent à tout savoir sur la vie de l’ex-partenaire en interrogeant les enfants. Embarqué dans un rôle d’espion ou de messager, l’enfant se trouve alors face à un « conflit de loyauté ». Il est pris par le sentiment de devoir choisir entre ses deux parents et ressent comme une obligation à prendre parti. Cela se traduit, par exemple, par la crainte de raconter les bons moments de leur vie chez leur autre parent, ou à l’inverse exagérer certains faits. Certains enfants peuvent aussi ressentir le besoin d’exprimer des choses désobligeantes sur l’ex-conjoint, ou d’insister sur les mauvais moments passés chez l’autre, afin d’apaiser inconsciemment l’égo du parent, perçu par l’enfant comme le plus fragile à ce moment-là.
Impact du conflit parental sur les enfants
En fait, l’enfant se sent déchiré entre l’envie de faire plaisir à l’un, sans faire de la peine à l’autre, bref, il se demande comment aimer ses deux parents ! Pourtant, c’est bien aux adultes, les parents, de trouver le meilleur vecteur de communication entre eux, et non aux enfants de se sentir responsables de cette charge. S’ils n’y parviennent pas seuls, des professionnels (avocat, psychologue, médiateur) sont là pour les aider et les guider. En réglant les conflits d’adultes entre adultes, les parents pourront garder les enfants à distance. Par exemple, on évite de dire du mal de l’autre devant les enfants. Ces derniers ont besoin d’être rassurés : ils ont le droit de se sentir bien chez l’autre parent, et surtout, ils ont le droit d’aimer leurs deux parents (même si leurs parents, eux, ne s’aiment plus).
La confiance en soi
Ah l’amour… ce sentiment perdu entre les parents laisse trop souvent la place aux regrets, voire aux reproches. Pourtant l’amour, c’est aussi ce qui aide les enfants à grandir, à s’épanouir. Le fait de se sentir pleinement aimé par ses deux parents aide l’enfant à bâtir sa confiance en lui-même. Mais un parent qui passe son temps à dénigrer l’ex-partenaire auprès de son enfant risque, sans le vouloir, de porter atteinte à l’enfant lui-même, à la construction de son identité et à sa confiance en lui. Car l’enfant sait qu’il est le fruit de ses deux parents. Lorsqu’il entend les reproches répétés qu’on lui confie, il peut ressentir que ceux-ci lui sont aussi destinés. Cependant, si un parent a des comportements non adaptés ou abusifs, il est essentiel de poser des mots dessus, pour aider l’enfant à libérer ses émotions. Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à faire appel à un soutien professionnel, auprès d’un psychologue ou d’un thérapeute familial.
Le risque de parentification
Parler sans en dire trop, rassurer sans faire culpabiliser, la ligne rouge est bien mince quand il s’agit de parler de l’ex-partenaire avec les enfants. A vouloir être très transparents, certains parents en oublient que l’enfant n’est pas un confident, et encore moins le nouveau compagnon de papa ou maman. Quand il endosse des responsabilités qui le dépasse – comme celle de « consoler » l’un des parents, de « valider » un nouveau partenaire ou de prendre le relais éducatif d’un parent sur la fratrie – il adopte des comportements inappropriés à son âge ou à son niveau de maturité. Les psychothérapeutes appellent ça la parentification. Ce concept est né en 1973 sous la plume de 2 psychiatres américains (I. Boszormenyi-Nagy et G. Sparks) qui le définissent comme « une distorsion subjective d’une relation, quand l’un des deux partenaires, souvent un enfant, devient un parent pour l’autre. » Cette inversion des rôles amène alors l’enfant à prendre soin du parent sur le plan émotionnel ou comportemental. Si la parentification s’installe sur une longue durée, elle devient un lourd fardeau pour l’enfant qui n’a plus le temps de s’occuper de lui-même et de se construire. C’est justement une conséquence importante de la parentification : une sortie trop rapide de l’enfance, et notamment de l’insouciance. Pour sortir de cette relation aussi néfaste pour le parent que pour l’enfant, la prise de conscience doit venir du parent lui-même, afin de reconnaître les mécanismes faussés de la relation parent/enfant.
Apprendre à mieux communiquer, tant avec son ex qu’avec son enfant pourrait bien alléger le stress des parents et des enfants, et aider toute la famille à mieux vivre ces changements. Le meilleur baromètre, ce sont les enfants : s’ils sont heureux chez leurs deux parents, s’expriment librement, alors parler de l’ex à ses enfants devient… un jeu d’enfant !