La charge mentale portée par les enfants

Temps de lecture : 8 min

Exigences des parents, emploi du temps surchargé, pandémie, difficultés familiales, les sources de stress sont nombreuses et peuvent peser sur l’état mental des enfants. Mais quand parle-t-on de charge mentale des enfants ? Comment l’identifier ? Découvrons avec Laure Azincourt, pédopsychiatre, les particularités de la charge mentale des enfants, les outils pour les soulager… et surtout comment les épargner !

Comment identifier la charge mentale chez les enfants ?

La charge mentale, qui crée une tension constante de mémorisation, de coordination et d’anticipation, entraîne des troubles de gestion du temps et des difficultés de traitement de l’information. Cela touche tout le monde… y compris les enfants !

Laure Azincourt, pédopsychiatre rappelle que « la charge mentale est avant tout une charge cognitive, d’organisation, d’anticipation, de gestion des tâches ». Chez l’enfant en développement, cette charge cognitive fait appel aux compétences cognitives : la capacité du cerveau à être en interaction avec son environnement, à organiser sa pensée, à se concentrer, à acquérir des connaissances, à anticiper. C’est pourquoi on ne peut pas parler de charge cognitive à tous les âges de l’enfance. Laure Azincourt cite justement l’âge de raison, généralement vers 7 ans, comme « le début de la capacité des enfants à raisonner, à comprendre le cycle de la vie et à se repérer dans le temps ». Un enfant qui n’a pas de repère temporel ou qui n’a pas encore de capacité d’anticipation ne porte pas réellement de charge mentale. Il peut être dans un état de stress, d’angoisse, voire de dépression, la charge cognitive apparait plus tard. 

Chez les enfants d’âge élémentaire, et encore plus chez les pré-ados et adolescents, la charge mentale est d’autant plus forte selon leur personnalité. Les perfectionnistes, les enfants dans le contrôle, ceux qui voudraient tout anticiper et maîtriser, risquent de souffrir d’une charge mentale forte. Ils ont des capacités cognitives plus importantes que d’autres enfants du même âge. Celles-ci amènent par exemple des adolescents à vouloir tout savoir, tout contrôler, sans aucun lâcher-prise. A l’inverse, les enfants qui rencontrent des difficultés à se concentrer, qui n’aiment pas rester longtemps sur la même tâche, ont moins de risques. Leur attention est dispersée, ils ne cherchent pas à anticiper. 

L’attitude des parents joue un rôle prédominant. Si les attentes des parents sont trop importantes face aux capacités des enfants, il est fréquent qu’ils ne supportent pas la pression et s’écroulent. Il arrive aussi que la réussite des enfants soit tellement valorisante pour les parents, que ces derniers ne discernent plus les sacrifices ou les souffrances de leurs enfants.  

« Un jour, raconte la pédopsychiatre, une jeune fille, élève modèle, est venue en consultation pour me parler de problèmes de concentration. Au lieu de reconnaître la source du problème – elle faisait de nombreuses activités extra-scolaires tous les jours, travaillait en permanence et voulait être la « meilleure » dans tout ! –  elle souhaitait seulement une prescription de « ritaline* » pour être encore plus concentrée et plus performante. Elle refusait tout simplement la thérapie, elle n’avait pas le temps pour cela ! Et sa mère refusait de revoir l’emploi du temps de sa fille ou ses exigences de réussite. »

Les causes possibles de la charge mentale portée par les enfants ?

On explore généralement trois environnements comme source de souffrance potentielle chez les enfants : l’école, la famille et les amis ou les loisirs. 

« Du côté de la famille, explique Laure Azincourt, la charge mentale pèse sur les enfants s’ils exercent des responsabilités trop lourdes à supporter à la maison ». S’ils doivent faire les courses, préparer à manger, s’occuper des frères et sœurs, les enfants ou adolescents se substituent alors aux rôles des parents et portent la charge cognitive d’un adulte. Même s’il est courant de demander de l’aide aux enfants pour réaliser de petites tâches domestiques ou une activité à la maison, ils ne doivent pas porter la charge mentale relative à l’organisation et à l’anticipation des tâches. La pédopsychiatre constate malheureusement que les jeunes filles souffrent plus souvent de charge mentale liée à la gestion de la maison que les jeunes garçons. 

La charge mentale dans l’environnement scolaire et parascolaire peut toucher les enfants dès l’âge élémentaire (6-11 ans). Exposés à une pression de l’excellence par les adultes (parents, professeurs, etc.), obligés d’organiser eux-mêmes leurs apprentissages (devoirs, révisions, …), les enfants entrent dans un cercle vicieux d’anticipation exagérée du quotidien. C’est là que la charge mentale devient trop lourde à porter pour un enfant. 

D’autres sources de stress, sur lesquels les enfants n’ont aucun contrôle peuvent aggraver leur santé mentale, comme la pandémie, les difficultés familiales (divorce, chômage, sécurité…), l’éco-anxiété, etc. 

Les signes d’alerte de la charge mentale chez l’enfant

Chaque enfant étant différent, les signes d’alertes résultant d’une charge mentale sont variés. Certains expriment leur souffrance de manière physique, d’autres développent des symptômes psychosomatiques. La première alerte et la plus évidente est le stress ! Or le stress répété excessif lié à la charge mentale entraine bien souvent des symptômes somatiques (perte de sommeil, eczéma, douleur chronique, etc.). « Quand la pensée est court-circuitée, c’est le corps qui s’exprime » interpelle Laure Azincourt. Comme chez l’adulte, l’épuisement mental ou physique peut aussi engendrer des dépressions.  

Si vous constatez un changement radical de comportement ou d’humeur qui s’installe sur la durée, il faut investiguer ! Une nervosité permanente, des longues périodes de tristesse, des attitudes inappropriées, des conduites addictives (consommation de substances, comportement compulsif, addiction aux écrans, etc.) sont des signaux d’alerte d’une souffrance chez l’enfant. 

Certains enfants tentent de masquer leur mal-être par des comportements « excessifs ». S’il est toujours dans l’exagération des émotions, montrant par exemple une attitude extrêmement enthousiaste (ou inversement) face à une situation plutôt banale, l’enfant montre des signes de troubles du comportement qui prêtent à confusion. Chez les enfants d’âge élémentaire, les parents assistent parfois à des conduites régressives, comme l’énurésie (pipi au lit) ou la demande répétée de dormir avec eux.

Fatigués physiquement, psychologiquement et cognitivement, ces enfants peuvent développer des troubles de l’apprentissage et du comportement, voire parfois des retards de croissance.

Des outils pour soulager la charge mentale des enfants

Dans son livre « La charge mentale des enfants. Quand nos exigences les épuisent » (Ed. Larousse), Aline Nativel Id Hammou, psychologue, préconise des conseils de « bon sens » pour toute la famille. Par exemple, en allégeant l’emploi du temps des enfants, les parents réduisent leur propre stress. Il vaut mieux revoir l’organisation familiale pour ne pas tomber dans ce que Françoise Dolto (pédiatre et écrivain) appelait la « maltraitance temporelle » : entendre tout le temps « mais dépêche-toi » ou « on n’a pas le temps », etc. est une souffrance qui freine le développement des enfants. Toute la famille aurait à gagner à ralentir le rythme. Mais comment ? Limitez les activités à deux maximum pendant la semaine, accepter les moments non planifiés ou les week-ends sans agenda, etc.

La pédopsychiatre Laure Azincourt recommande aux parents de valoriser le jeu et les loisirs libres, très importants pour le développement de l’enfant. « J’entends souvent des parents me dire « mon enfant veut tout le temps jouer ! ». Mais c’est normal et c’est même plutôt sain ! » s’exclame-t-elle. Les enfants stimulent leur imaginaire, développent leur intelligence à travers le jeu. Attention, il ne s’agit pas de jeux vidéo bien sûr ! Or, la société aujourd’hui tend vers un modèle où l’enfant devrait être très tôt un « mini-adulte », déjà compétent et performant. Le sport par exemple, est un loisir essentiel aux enfants, mais il ne faut pas tomber dans l’exigence de performance ; le jeu à travers le sport doit rester un plaisir. 

Une relation parent-enfant apaisée aide également à éviter la charge mentale chez les enfants. N’hésitez pas à passer du temps « qualitatif » avec eux. Même s’ils sont courts, vous ne faites pas mille autres choses en même temps, comme ranger la maison, superviser les devoirs ou préparer le dîner. Ces temps-là, dédiés uniquement à l’échange et à l’écoute sont précieux. La psychologue Aline Nativel Id Hammou rappelle qu’un enfant parfait n’existe pas ! Elle invite les parents à se remettre en question, à montrer leurs imperfections, à en rire ensemble ou encore à s’excuser lorsque l’on commet une erreur, afin de déconstruire aussi l’image du « parent parfait ». 

Enfin, Laure Azincourt conseille aux parents d’attendre que les enfants aient de réelles capacités d’anticipation pour leur demander de réaliser des tâches pour lesquelles ils ont les compétences, tout en les soutenant et en continuant de les accompagner. « La charge mentale va dépendre de ce que l’enfant veut bien accepter de faire pour lui-même » résume la pédopsychiatre. C’est aussi ce que souligne Aline Nativel Id Hammou, psychologue, dans son livre : être à l’écoute des limites et des besoins des enfants, sans projeter sur eux nos propres ambitions de parents. Un enfant qui refuse d’aller à son cours de danse parce qu’il aimerait faire du chant ou du tennis, exprime son propre besoin. C’est le signe d’une bonne santé mentale… à condition qu’il se sente écouter.  

(*) traitement médicamenteux issu de la molécule méthylphénidate, traitant l’hyperactivité et le déficit de l’attention

Publié par L’équipe Share(d)

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