La gestion du budget est souvent une source de conflits au sein d’un couple. Alors quand les parents se séparent, la répartition des frais relatifs aux dépenses des enfants cristallise encore plus de tensions. Pension alimentaire, frais de transport, frais médicaux, frais de scolarité, comment les parents séparés gèrent-ils leur contribution de façon équitable afin de garantir le droit de l’enfant et assurer son bien-être ?Que dit la loi ? Que faire en cas de conflit ? Découvrez les informations pratiques, avec Maître Sophia Binet, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille.
Partage des frais entre parents séparés, que dit la loi ?
Dans le cadre d’une séparation des parents, le Code civil définit les obligations parentales envers les enfants. Selon l’article 371-2 : « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette « contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » explique Maître Binet, prend la forme d’une pension alimentaire (article 373-2-2). Contrairement à ce que son nom indique précise-t-elle, « la pension alimentaire ne se limite pas uniquement aux besoins en nourriture ! Il faut l’entendre au « sens large » du terme, c’est-à-dire les charges de la vie courante, tels que l’alimentation, l’habillement, les soins d’entretien, les frais de scolarité et de fournitures de base, etc. ». Cependant, il n’existe pas de liste exhaustive.
Que recouvre la pension alimentaire ?
Les frais de base, courants et quotidiens sont généralement inclus dans la pension alimentaire. La loi ne donnant pas de liste précise ni détaillée de ces dépenses, on peut tout de même y inclure les postes suivants :
- alimentation (nourriture)
- habillement (vêtements, chaussures, …)
- produits de soin et d’hygiène
- fournitures scolaires de base ;
- scolarité dans un établissement public
- restauration scolaire (cantine)
- sorties scolaires ou activités pendant le temps scolaire (centre aéré, etc.)
- transports pour se rendre à l’école
- frais médicaux classiques (visites chez le pédiatre ou médecin généraliste, médicaments)
- téléphone portable et/ou abonnement téléphonique
Cette liste n’est ni officielle ni exhaustive ! Les juges invitent donc les parents à faire appel « au bon sens » et renvoient les parties à s’interroger en priorité sur les intérêts de l’enfant, en tenant compte des ressources des parents et des besoins de chaque enfant.
Maître Binet rappelle que « cette obligation de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants doit être versée même si l’enfant est majeur et ce, jusqu’à ce qu’il puisse subvenir seul à ses besoins sous la forme d’une activité rémunérée. »
Le montant de la pension alimentaire, qui s’entend hors prestations familiales, peut parfois inclure « le droit d’usage et d’habitation », c’est-à-dire les dépenses de logement et consommation d’électricité supplémentaires dues à la présence de l’enfant au domicile.
Pour des parents en instance de divorce ou de séparation, le montant global de la pension alimentaire est parfois difficile à évaluer. Dans ce cas, les conseils d’un avocat spécialisé en droit de la famille sont essentiels. Il existe un barème officiel, mis au point par le ministère de la Justice, qui peut servir de grille de référence. Pour calculer le montant approximatif, vous pouvez vous référer au simulateur, disponible sur le site du service public. Si le montant définitif de la pension alimentaire n’est pas convenu d’un commun accord, il est fixé par le Juge aux affaires familiales en dernier recours. « Bien sûr, rappelle Maître Sophia Binet, ce montant est sujet à révision, notamment en cas d’augmentation ou diminution des revenus des parents. Il peut aussi être indexé aux indices Insee publiés au Journal Officiel, et donc revalorisé en fonction de l’évolution des prix. »
Cette somme forfaitaire versée mensuellement garantit ainsi les frais quotidiens et courants de l’enfant. Cependant, elle ne couvre pas les frais dits « exceptionnels », comme les dépenses médicales non-remboursées (dentiste, optique…), les activités extra-scolaires, etc.
La notion de frais exceptionnels n’étant pas définie précisément dans le Code civil, Maître Sophia Binet recommande de « prévoir dans les conventions de divorce, la nature de ces frais et la façon dont ils seront supportés par les parents séparés afin d’anticiper autant que possible les éventuels conflits ou désaccords ! ». A l’instar des dépenses incluses dans la pension alimentaire, les frais exceptionnels sont alors précisés dans les jugements ou les conventions parentales et leur répartition est déterminée par avance : partage par moitié, au prorata des revenus, deux tiers/un tiers, à la charge d’un seul des parents, etc.
L’avocate ajoute : « les parties définissent par avance et par écrit, d’un commun accord, la répartition des frais exceptionnels, et s’engagent à en partager la charge à condition qu’ils soient indispensables à l’enfant ou que les parents se soient préalablement entendus sur les dépenses concernées. A défaut d’accord, le parent qui aurait engagé la dépense sans l’accord de l’autre pourrait en assumer totalement le coût ! »
Les dépenses exceptionnelles peuvent englober les frais suivants :
- scolarité dans un établissement privé, mode de garde ou crèche
- dépenses extra-scolaires ou parascolaires (activités artistiques, sportives et culturelles, achats de matériels spécifiques liés à la pratique de ces activités),
- soutien scolaire
- téléphonie mobile
- transports en commun
- argent de poche
- frais de santé non pris en charge par la sécurité sociale ou la mutuelle, notamment les frais d’ophtalmologie et d’optique, les frais dentaires ou encore les frais de soins complémentaires (orthophonie, kinésithérapie, psychologie, psychiatrie)
- le permis de conduire
- etc. !
Les frais médicaux sont généralement pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles. Maître Sophia Binet invite toutefois chaque parent à bien vérifier que leurs enfants sont enregistrés sous leur propre sécurité sociale. « En effet, il est possible de demander à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’inscrire les enfants sur la carte vitale des deux parents ! »
Pour la mutuelle, les parents peuvent choisir de souscrire chacun à leur propre assurance complémentaire santé et d’inscrire leurs enfants comme ayants droits, en vue d’éviter d’éventuels conflits sur le paiement et le remboursement des frais de santé. Cependant, cette « double » mutuelle a un coût !
Dans le cas où les enfants sont rattachés à la mutuelle d’un seul parent, les deux parties doivent alors s’arranger sur les avances de frais médicaux et leurs remboursements. Les frais de souscription à la mutuelle sont aussi à discuter et à répartir selon les accords définis dans la convention. Ils entrent généralement dans les discussions des frais exceptionnels. Tout comme les frais médicaux et paramédicaux, non-remboursés par la Sécurité Sociale et la mutuelle. On peut ainsi les dénommer au sein de la liste des frais exceptionnels, indique Maître Binet, comme les frais d’orthodontie (très courants quand on a des adolescents ou des pré-ados !), les consultations en psychologie, les dépenses d’optiques, etc.
Pour s’adapter aux familles d’aujourd’hui, certaines mutuelles proposent désormais des offres spéciales aux parents séparés et des formules individuelles conçues pour les enfants.
Faut-il partager tous les frais de transports ?
Dans le cadre du trajet domicile-école par exemple, les frais de transports en commun sont inclus dans le calcul de la pension alimentaire.
Les autres frais de transports font généralement l’objet de frais exceptionnels, mais peuvent être définis par avance. Ainsi ils seront soit répartis soit attribués à la charge d’un des parents. Ce dernier cas intervient souvent si l’un des parents a déménagé et s’est éloigné géographiquement.
En revanche, s’il y a un coût de transport intervenant durant un temps de vacances prévus lorsque le parent a la garde de l’enfant (pour des vacances par exemple), celui-ci n’est pas partagé.
Allocations familiales : qui en bénéficie quand les parents sont séparés ?
La plupart des prestations familiales ne sont versées qu’à un seul bénéficiaire : le parent ayant les enfants en résidence principale. En cas de résidence alternée, seul le montant des allocations familiales versé par la CAF peut être partagé à part égale entre les deux parents. Toutes les autres prestations ne seront attribuées qu’à un seul parent. C’est donc à eux de décider s’ils se partageront ou non l’ensemble des prestations familiales, et sa répartition. Attention, Maître Sophia Binet rappelle que « les allocations familiales ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de la pension alimentaire ! »
Sauf en cas de résidence alternée, les enfants mineurs de parents divorcés ou séparés, ne peuvent être comptés à charge que sur une seule déclaration de revenus, en général celle du parent chez lequel les enfants vivent de manière habituelle.
Concernant la répartition fiscale des frais entre parents séparés, le principe général est clair : celui qui perçoit la pension alimentaire doit la déclarer. Cette somme forfaitaire est alors déductible des revenus pour le parent débiteur. Mais la quote-part des frais exceptionnels est aussi déductible ! Dans une décision de justice du 5 juillet 2021, le Conseil d’Etat rappelle : « La quote-part des frais réglés par le parent débiteur est déductible de ses revenus et doit être déclarée par celui chez qui la résidence des enfants est fixée, en complément de la pension alimentaire ». La cohérence est donc très importante, autant pour le parent créancier que pour le parent débiteur. « D’où l’intérêt de tenir un compte détaillé des dépenses exceptionnelles ! » précise Maître Sophia Binet.
En revanche, dans le cas d’une résidence alternée, la pension alimentaire et les frais ne sont pas déductibles, puisque les parents se partageant la part fiscale.
Un parent vivant seul avec un ou plusieurs enfants est considéré comme « parent isolé », même si l’enfant est en résidence alternée. Cette situation, fréquente après un divorce ou une séparation, peut désormais être inscrite sur sa déclaration d’impôts, c’est « la case T ». Elle permet de faire bénéficier un parent isolé célibataire, divorcé ou séparé d’une réduction d’impôts, avec l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire.
Que faire en cas de conflit ?
En cas de désaccords sur les dépenses, plusieurs recours sont possibles. Pour Maître Sophia Binet, « il faut avant tout privilégier la communication et rechercher une solution à l’amiable ». Mais le non-paiement de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants peut être considéré comme un abandon de famille, selon l’article 227-3 du Code pénal. Par conséquent, le parent créancier peut poursuivre le parent débiteur en justice, saisir le juge aux affaires familiales et faire appel à un huissier de justice pour mettre en place une procédure de saisie, de recouvrement ou de paiement direct.
« La CAF peut intervenir, ajoute Maître Binet, pour se substituer au parent débiteur. » Depuis octobre 2020, elle peut servir d’intermédiaire financier pour faciliter le versement de la pension alimentaire aux parents ayant des problèmes d’impayés. Elle verse alors à titre d’avance, l’allocation de soutien familial (ASF) de 116 € par mois et par enfant au parent bénéficiaire, tandis qu’elle lance une procédure de recouvrement auprès de l’autre parent.
« Quant aux frais exceptionnels, les marges de manœuvres en cas de désaccord sont très restreintes ! » explique Maître Binet. Après l’enregistrement du divorce ou à la suite d’une décision sur l’autorité parentale fixant la contribution et ces frais, seul le juge aux affaires familiales peut trancher.
Enfin, le recours à la médiation est toujours une bonne alternative pour désamorcer les conflits, même pour discuter du partage des frais des parents séparés ! En cas de blocage, la médiation familiale permet de renouer le dialogue, revoir la situation dans son ensemble et se concentrer sur les droits de l’enfant, son intérêt et son bien-être.
Frais de parents séparés : les avantages d’utiliser une application de finances partagées
Pour un partage des frais équitables entre parents séparés, il est essentiel de bien maîtriser le budget ! Comment savoir qui doit payer quoi et combien ? Comment vérifier si l’autre parent a bien payé sa part du centre aéré ? Heureusement, l’application Share(d) est là pour vous simplifier le quotidien et vous aider à organiser le budget familial en douceur !
Avec la fonctionnalité de finance partagée, vous pilotez le budget : saisissez les dépenses, configurez une balance de répartition, et laissez l’application calculer qui doit combien à l’autre. L’outil de finances partagées se charge de trier les dépenses, les revenus, les frais, les virements, etc. Enregistrez par exemple la pension alimentaire (dates de début et fin, récurrence…). Vous pouvez aussi joindre la facture ou le reçu pour chaque dépense réalisée. Finis les oublis, terminés les comptes d’apothicaire ! Désormais vous parlez d’argent entre parents et en toute sérénité.